Un homme dangereux

Emilie Frèche

Stock

  • Conseillé par
    26 décembre 2015

    passion toxique

    Peu importe réel ou fiction, la question se posait déjà dans le dernier Delphine de Vigan. Et finalement, cela n'a pas beaucoup d'importance si l'on s'en tient à la qualité de l'écriture et à la volonté de séduire un lecteur qui se laisse ici volontiers entraîner, plus ou moins malgré lui, par cette histoire d'amour toxique.
    Emilie Frèche écrit bien, c'est fluide et bien mené, une belle qualité dans des phrases longues à lire et à relire. J'avais aimé "Deux étrangers" que j'avais d'ailleurs défendu en tant que jurée du prix Orange et qui avait remporté la palme 2013. J'ai toujours beaucoup de plaisir à rencontrer cette femme brillante et chaleureuse, j'attends avec impatience son prochain roman.


  • 19 août 2015

    La lumière reviendra-t-elle sur le ciel d’Emilie, la narratrice ? Elle reviendra mais plus jamais comme avant, annonce-t-elle à son mari, Adam. Ce couple qui semble filer un bonheur parfait, dans le sillon de James Salter, se délite. Depuis sa rencontre avec Benoît, la vie de la romancière bascule dans autre chose, dans un ailleurs indéfinissable qui teint le monde d’une couleur nouvelle : celle de la passion amoureuse ou du désir moribond ?

    Emilie Frèche dénoue les compromis honteux et les naufrages intimes du couple au moment où les cœurs s’endurcissent. L’élément ternaire -argent, santé, travail- supplante le désir d’une nouvelle vie et oblige la femme à jouer la comédie. Le jeu des faux-semblants culmine dans la trame narrative et multiplie les focales entre fiction et réalité. Fouiller en soi est d’une réelle violence. Face à cet amant dont le dessein, toute sa vie durant, est de venger sa classe, la femme s’interroge sur la question de la judéité. La conscience d’appartenir à un peuple qui suscite tant de haine la protège de l’homme dangereux qui enrage de ne pas avoir été élu pour assurer la pérennité d’un Livre. Où l’histoire amoureuse peut-elle la mener ? A la fin d’un mariage ou à la négation de soi ? Et si l’écriture était la seule arme pour se défendre de l’homme dangereux ? L’histoire comme une mise en abyme ne fait alors que commencer sous le prisme du double narratif.

    Emilie fuit la passion simple et se réfugie dans le texte d’Annie Ernaux parce qu’on n’écrit jamais à partir de rien, mais de ses lectures. L’écriture d’Emilie Frèche est un face à face avec soi-même mais elle n’en demeure pas moins l’égale de la vie : sous couvert d’influencer le destin, on ne maîtrise rien dans cette toile arachnéenne à mi-chemin entre la fiction et la réalité. L’écriture devient un jeu dangereux, autant que l’homme.

    Un Homme dangereux d’Emilie Frèche, Stock, Août 2015.